Le grand marin : l’Alaska et la mer selon Catherine Poulain

Lorsque je lis, j’aime m’imprégner d’un univers complètement différent de ma réalité quotidienne. J’aime qu’un auteur me sorte de mes habitudes pour me faire connaître ce que je ne verrai peut-être jamais de mes propres yeux.

Le roman Le grand marin de Catherine Poulain a tout à fait atteint cet objectif. Dans celui-ci, Lili, dont on connaît peu le passé, quitte sa vie pour aller en Alaska clandestinement. Elle se trouve rapidement un emploi sur un bateau de pêche qui l’accepte à bord pour la saison de la morue. À travers les hommes d’expérience qui doutent de ses capacités, elle apprend à la dure ce métier fait de nuits écourtées, de moments d’intensité et de mains continuellement poisseuses et calleuses de travail.

Malgré le manque de confort, les journées éreintantes et la paye médiocre, Lili trouve auprès de la mer ce que la terre n’a jamais pu lui donner : la liberté. Elle rencontre aussi des hommes qui, dans leur rudesse, seront là pour la protéger et la pousser dans ce nouveau métier qu’ils connaissent depuis des années. Des hommes qui rêvent de maisons en forêt et de leur famille au bout du pays.

Tout au long de ce roman merveilleusement écrit, Catherine Poulain décrit avec beaucoup de détails les conditions de vie et le travail quotidien de ces pêcheurs. Elle le fait avec précision, car elle a elle-même été pêcheuse en Alaska durant dix ans. Tous les termes propres à la pêche sont d’ailleurs expliqués dans un glossaire à la fin. Elle ne néglige pas les aspects désagréables et dégoûtants du métier, mais nous émeut aussi par la sincérité de son écriture. La mer nous apparaît ici comme un élément primordial dans le récit, quasiment en symbiose avec le personnage de Lili. Cette dernière est sensible, mais d’une grande force. J’ai lu avec grand intérêt les pensées et les questionnements de cette femme inspirante et tenace.

J’ai toutefois un peu moins accroché sur l’histoire sentimentale qui se joint au roman à mi-parcours. L’homme désiré par Lili ne me paraissait pas sympathique et je percevais davantage ce récit comme celui d’une relation entre une femme et la nature.

Je suggère tout de même Le grand marin pour le sentiment de dépaysement total qu’il procure et pour les splendides bribes de poésie qui se taillent une place de choix dans le roman.

« La vague me berce et je roule en elle. (…) Que je donne mes forces jusqu’à mourir à la vie d’avant, ou à mourir tout court, que l’usure et l’exténuement me polissent jusqu’au cristal, ne laissant que la mer en moi, sous moi, autour de moi, (…). » ( p. 122)

 

Le grand marin, Catherine Poulain, Éditions de l’Olivier, Coll. Points, 376 pages, 2016, 15,95 $.

Amélie Lacroix Maccabée

Libraire à la librairie indépendante Alire de Longueuil

 

 

L’image à la une: ©Geoffroy MATHIEU/Opale/Leemage/Éditions de L’Olivier

 

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Amélie Lacroix Maccabée

Bibliophile, créative et curieuse. Hypersensible se réfugiant dans les mots et les arts. Gamine dans l'âme et accro au sucre. Intéressée par la cause féministe, environnementale et par la diversité sexuelle et culturelle dans les médias et la littérature.

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