Ma mère me trouvait trop grosse.

J’ai déjà été extrêmement mince, trop mince. J’avais froid, un froid qui venait de l’intérieur, qui transperçait mes os. Je ne trouvais plus rien à me mettre, tout était trop grand. J’avais l’air malade, mon teint cireux, mes yeux enfoncés dans leurs orbites. Je me sentais fragile, destructible.

J’étais malade.

Avec le temps, j’ai repris du poids, j’ai regagné de la chaleur. J’ai retrouvé mes pommettes, mes yeux pétillants. Je revivais, je me sentais exister à nouveau. Ma mère était ravie. Elle était si inquiète quand j’étais malade.

J’ai continué à prendre du poids. J’ai dépassé celui qu’affichait la balance avant que je tombe malade. De plusieurs dizaines de livres. Ma mère n’était plus si ravie.

Elle était inquiète.

Elle a commencé à me faire des remarques :

« Ah non, pas cette robe, on voit ton petit bourrelet. »

« On dirait que tu fais de la rétention d’eau, c’est comme si tu étais gonflée »

« C’est normal que tu n’aies pas froid, quand on a plus de graisse, ça nous tient au chaud. »

Ma mère me trouvait trop grosse.

Le jour ou je me suis mise à pleurer devant mon médecin de famille, j’ai compris. Compris que ça devait cesser. Compris que personne, même ma propre mère, qui m’avait tricotée, pouvait se réserver le droit de critiquer mon apparence physique.

J’ai compris qu’elle avait peur, qu’elle était inquiète, qu’elle m’avait vu lutter contre un démon et qu’elle ne voulait pas qu’un autre s’empare de moi. J’ai compris que dans son enfance, sa propre mère accordait beaucoup d’importance à l’image corporelle. Que ça l’avait blessée, plus qu’elle ne le laissait paraître.

Je lui ai expliqué comment je me sentais face à ses remarques, c’est-à-dire ; laide, insuffisante, impuissante, en colère, triste et démunie. Je l’ai sensibilisée aux troubles alimentaires, ce que son éducation ne lui avait pas permis.

Elle a compris que le poids ce n’est pas un sujet de discussion, de plaisanterie, de remarque.

J’espère que vous aussi, vous aurez compris et que ce n’est pas parce que vous êtes proche de quelqu’un que vos propos font moins mal.

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Sous anonymat

Autrice dont les mots vivent sous anonymat.

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