Grande Écoute, une pièce saisissante à l’Espace Go

Roy (Denis Bernard) anime un talk-show particulièrement populaire dans lequel il reçoit et interviewe des invités de toutes sortes. Chaque fois, même si ces derniers lui servent des propos saugrenus et des réponses insipides, il feint un grand intérêt. Que ce soit une jeune femme en quête d’attention ou un boxeur incapable d’aligner deux phrases sensées, la réaction de Roy respire la bonne humeur. Son charisme, son rire contagieux et son look un tantinet excentrique font de lui un favori des téléspectateurs qui le suivent assidûment. Pour l’animateur, ce que disent les autres importe peu, seule sa gloire personnelle doit primer. Ainsi, muni de son sourire inextinguible, il semble passionné par son travail.

Crédit photo: Gunther Gamper
Crédit photo: Gunther Gamper

 Dans sa vie personnelle toutefois, Roy se croit meilleur que tous et démontre un égocentrisme insupportable. Son couple s’en ressent. Sa femme, Mary (Macha Limonchik), le tolère tout juste, exaspérée par chacune de ses paroles. Mariés depuis longtemps, plus rien ne les unit sauf leur fils Willy (Alexandre Bergeron), qui reste mystérieux jusqu’à la dernière partie de la pièce. Roy, pour oublier son angoisse et ses malheurs, enfile les verres d’alcool sans relâche, souvent en compagnie du barman Dany (Jean-Philippe Perras), avec qui il entretient une relation complexe. Ce n’est donc qu’une question de temps avant que son corps ne croule sous l’épuisement et le stress.

La pièce Grande Écoute, écrite par le talentueux Larry Tremblay et mise en scène par Claude Poissant,  est présentée  au théâtre l’Espace Go du 24 février au 21 mars 2015. Ce duo de créateurs a produit de nombreuses pièces couronnées de succès dans les dernières années. C’est donc avec impatience que je me suis présentée à l’Espace Go pour la voir. Je n’ai pas été déçue. Grande Écoute est une pièce imprégnée d’ironie et d’humour noir. On rit beaucoup devant celle-ci, mais c’est souvent avec un certain malaise. On rigole devant la bêtise humaine et la superficialité qui nous est présentée. Cependant, malgré le caractère fictionnel de cette œuvre, on ne peut s’empêcher d’y voir une critique du show-business et de la quête absolue de célébrité. La pièce fait d’ailleurs plusieurs allusions à une émission télévisuelle connue. En écoutant les dialogues des personnages, qui oscillent entre l’extrême insignifiance et la souffrance, on se prend bien sûr à réfléchir sur la société actuelle. Avec un vocabulaire soutenu et des paroles tirant souvent sur la poésie, Grande Écoute met en scène des personnages obsédés par les apparences. Ainsi, lorsque leurs pensées se tournent vers la politique, l’environnement ou tout autre sujet à portée plus sociale, bien vite ils essayent de chasser ces mauvaises ondes. Ils sont tous trop portés sur eux-mêmes pour se soucier des autres.

Crédit photo: Gunther Gamper
Crédit photo: Gunther Gamper

La scène, recréant une apparence de talk-show avec des fauteuils métallisés, est illuminée par des néons fluorescents. Des contrastes de couleurs et d’éclairage attirent le regard. Ces décors, quoique simples, conviennent parfaitement aux différentes scènes et au récit. Les acteurs se défendent tous très bien dans leurs rôles cyniques, tout particulièrement Denis Bernard et Macha Limonchik. Le texte de Larry Tremblay vise juste par son sujet contemporain. Le langage littéraire des personnages surprend au début, mais il s’accorde avec le culte de l’image véhiculée dans la pièce. J’ai beaucoup ri en regardant Grande Écoute, mais je me suis questionnée aussi. La fin de la pièce m’a cependant laissée confuse et quelques éléments m’ont paru excessifs. Bref, malgré quelques imperfections,  je vous suggère vivement d’aller voir cette pièce.

Pour plus de détails, visitez le site web du théâtre: https://www.espacego.com/saison2014-15/grande_ecoute.php

GrandeEcoute-6774.jpg ©Gunther Gamper

L’image vedette provient du www.theatrepap.com

Amélie Lacroix Maccabée

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Amélie Lacroix Maccabée

Bibliophile, créative et curieuse. Hypersensible se réfugiant dans les mots et les arts. Gamine dans l'âme et accro au sucre. Intéressée par la cause féministe, environnementale et par la diversité sexuelle et culturelle dans les médias et la littérature.

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