Sushmita Banarjee, tuée pour ses convictions?

«C’est cela vivre, se battre, ne jamais accepter ce qu’on vous impose si cela ne fait pas votre affaire.» – Michel Conte-

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L’écrivaine Sushmita Banarjee, célèbre grâce au livre  A Kabuliwala’s Bengali Wife (1997), qui relate sa persécution par les talibans dans les années 1990, a été assassinée mercredi le 4 septembre, à Paktika.

Vous lirez certainement à plusieurs endroits, qu’un groupe taliban serait à l’origine de ce meurtre. C’est ce que les policiers afghans avancent, mais le porte-parole du groupe réfute l’information et ne revendique point l’acte. Si l’identité de l’auteur de ce crime demeure floue, plusieurs éléments permettent de comprendre pourquoi les regards se sont tournés vers ces derniers.

C’est que Sushmita Banarjee, connue sous le nom musulman Sayeada Kamala au Paktika, s’était grandement attirée les foudres de ce groupe durant les années 1990.  D’ailleurs, celle-ci s’était réfugiée dans son Inde natale, en 1995, à la suite des menaces de mort incessantes proférées par le régime taliban. Près de 17 ans plus tard, tout porte à croire, pour l’instant, qu’ils auraient  très bien pu mener celles-ci à terme.

Sushmita a dérangé par ses convictions concernant la condition féminine. En 2003, elle relatait dans une entrevue à quel point celle-ci avait chuté en Afghanistan dans les dernières années. Bon nombre d’écoles, d’hôpitaux et de collèges ont dû fermer leurs portes. Il était interdit aux femmes de parler aux hommes autre que les membres de leur famille, ou encore d’aller à l’extérieur seule tout simplement. Elle se faisait un devoir de mettre de l’avant l’importance de l’éducation dans la vie des jeunes femmes. Force est d’admettre que la situation ne semble pas s’être améliorée depuis.

Son existence, selon les hauts dirigeants du régime taliban de l’époque, devait prendre fin le 22 juillet 1995. Pourquoi? Parce que cette femme dotée d’une formation d’infirmière en gynécologie avait ouvert un dispensaire pour femmes dans le village de Patya, et elle refusait, à la demande du régime taliban, de le fermer. Cela lui avait valu d’être sévèrement battue, et ce, à plusieurs reprises.  Ce n’est que depuis peu qu’elle était de retour en terre afghane.

Autant, Sushmita était respectée pour sa conversion à l’Islam, la religion de son mari, autant elle fut persécutée jusqu’à sa mort pour son refus de porter la Burqa. L’écrivaine assumait totalement sa conversion et embrassait sa nouvelle religion à une exception près. Elle se conservait le droit de ne pas appliquer certaines règles, qui pour elle, allait à l’encontre de la liberté de la femme. En somme, un certain groupe de musulmans reprochait à Sushmita d’être une «femme sans morale».

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Âgée de 49 ans, l’auteure indienne a connu sont lot de succès et de fortes critiques, en rapport avec ses livres. Le premier, A Kabuliwala’s Bengali Wife, raconte l’histoire de son mariage avec l’homme d’affaires afghan, Jaanbaz Khan et relate son déménagement en Afghanistan en 1989. Elle aborde également l’adversité qu’elle a rencontrée sous le régime taliban et son retour à Kolkata en Inde. Celui-ci a même inspiré un grand succès cinématographique de Bollywood, Escape from Taliban, sorti en 2003.

Elle est aussi l’auteure de Taliban atrocities in Afhanistan and Abroad, Taliban and I, Not a word is a lie et The swansong of civilisation.  Tous ces titres sont en lien avec la condition féminine en Afghanistan et le régime taliban.

Sushmita Banarjee ou Sayeda Kamala, peu importe le nom que vous lui attribuez, était une femme de conviction. Convaincue que l’éducation est importante et que toute femme devrait y avoir accès. Convaincue que la femme a le droit de pratiquer une religion et d’être libre à la fois.

Elle s’est battue toute sa vie pour donner une meilleure qualité de vie aux femmes afghanes. Elle, l’Indienne qui s’est mise à dos sa famille pour unir sa destinée avec Jaanbaz Khan, un musulman. Elle qui croyait en elles, qui croyaient en ces femmes.

Sous le poids de 20 balles, elle a donné sa vie pour ses compatriotes. Vingt balles, un symbole d’acharnement, un message à passer. Mais ce que les tueurs ne savaient pas, c’est que les femmes continueront à se lever grâce à Shusmita qui a pavé la voie.

Shusmita Banarjee n’a pas été tuée vainement, elle est morte pour ce en quoi elle croyait.

Elle est morte pour la liberté de toutes ces femmes.

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Alexandra Philibert

Hyperactive du projet, Alexandra est une amoureuse des mots, du sport et de la musique country. Un contraste sur deux pattes que vous retrouverez le nez dans un livre ou probablement perdue à Nashville.

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